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la possession de sa femme, qu’il a demandé cent fois, qu’elle n’a pas voulu lui remettre, et qu’il lui faut.

— Ajoutez, interrompit le père Plantat, que ce titre a été un des mobiles du crime.

— Cet acte si important, le comte s’imagine savoir où il est. Il croit que du premier coup il va mettre la main dessus. Il se trompe. Il cherche dans tous les meubles à l’usage de sa femme, et il ne trouve rien. Il fouille les tiroirs, il soulève les marbres, il bouleverse tout dans la chambre ; rien.

Alors, une idée lui vient. Cette lettre, ne serait-elle pas sous la tablette de la cheminée ? D’un revers de bras il jette bas la garniture, la pendule tombe et s’arrête. Il n’est pas encore dix heures et demie.

— Oui ! fit à demi-voix le docteur Gendron, la pendule nous l’a dit.

— Sous la tablette de la cheminée, poursuivait l’agent de la sûreté, le comte ne trouve rien encore que de la poussière qui a gardé les traces de ses doigts.

Alors, l’assassin commence à se troubler.

Ce papier si précieux que, pour sa possession, il risque sa vie, où peut-il être ? Sa colère s’allume. Comment visiter les tiroirs fermés ? Les clés sont sur le tapis, où je les ai retrouvées parmi les débris du service de thé, il ne les aperçoit pas.

Il lui faut une arme, un outil pour tout briser. Il descend chercher une hache.

Dans l’escalier, l’ivresse du sang, de la vengeance, se dissipe, ses terreurs commencent. Tous les recoins obscurs se peuplent de ces spectres qui font cortège aux assassins ; il a peur, il se hâte.

Il ne tarde pas à remonter et, armé d’une hache énorme, la hache retrouvée au second étage, il fait tout voler en éclats autour de lui. Il va comme un insensé, c’est au hasard qu’il éventre les meubles ; mais, parmi les débris, il poursuit les recherches acharnées dont j’ai suivi la trace.

Rien, toujours rien.