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Le docteur Gendron, lui, eût été bien embarrassé de dire ce qu’il avait mangé.

Le dîner touchait à sa fin, et le père Plantat commençait à souffrir de la contrainte qu’impose la présence des domestiques. Il appela la gouvernante :

— Vous allez, lui dit-il, nous servir le café dans la bibliothèque, vous serez ensuite libre de vous retirer ainsi que Louis.

— Mais ces messieurs ne connaissent pas leurs chambres, insinua Mme Petit, dont ce conseil, donné du ton d’un ordre, déconcertait les projets d’espionnage. Ces messieurs peuvent avoir besoin de quelque chose.

— Je conduirai ces messieurs, répondit le juge de paix d’un ton sec, et si quelque chose leur manque, je suis là.

Il fallut obéir, et on passa dans la bibliothèque.

Le père Plantat, alors, atteignit une boîte de londrès, et la présentant à ses convives :

— Il sera sain, je crois, proposa-t-il, de fumer un cigare avant de gagner nos lits.

M. Lecoq tria soigneusement le plus blond et le mieux fait des londrès, et quand il l’eut allumé :

— Vous pouvez vous coucher, messieurs, répliqua-t-il, pour moi je me vois condamné à une nuit blanche. Encore faut-il qu’avant de me mettre à écrire, je demande quelques renseignements à monsieur le juge de paix.

Le père Plantat s’inclina en signe d’assentiment.

— Il faut nous résumer, reprit l’agent de la sûreté, et mettre en commun nos observations. Toutes nos lumières ne sont pas de trop pour jeter un peu de jour sur cette affaire, une des plus ténébreuses que j’aie rencontrées depuis longtemps. La situation est périlleuse et le temps presse. De notre habileté dépend le sort de plusieurs innocents qu’accablent des charges plus que suffisantes pour arracher un : Oui, à n’importe quel jury. Nous avons un système, mais M. Domini en a un aussi, et le sien, reconnaissons-le, est basé sur des faits maté-