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Du coup, la gouvernante-cuisinière faillit tomber à la renverse.

C’était, depuis cinq ans, la première fois que le père Plantat invitait quelqu’un à dîner. Cette invitation devait cacher des choses étranges.

Ainsi pensa Mme Petit, et sa colère redoubla comme sa curiosité.

— Me commander un dîner à cette heure ! grondait-elle, cela a-t-il, je vous le demande, du sens commun ?

Puis, réfléchissant que le temps pressait.

— Allons, Louis, continua-t-elle, ce n’est pas le moment de rester les deux pieds dans le même soulier. Haut la main, mon garçon, il s’agit de tordre le cou à trois poulets ; voyez donc dans la serre s’il n’y a pas quelques raisins de mûrs, atteignez-moi des conserves, descendez vite à la cave !…

Le dîner était en bon train quand on sonna de nouveau.

Cette fois, c’était Baptiste, le domestique de monsieur le maire d’Orcival. Il arrivait, de fort mauvaise humeur, chargé du sac de nuit de M. Lecoq.

— Tenez, dit-il à la gouvernante, voici ce que m’a chargé d’apporter l’individu qui est avec votre maître.

— Quel individu ?

Le domestique, qu’on ne gronde jamais, avait encore le bras douloureux de l’étreinte de M. Lecoq. Sa rancune était grande.

— Est-ce que je sais ! répondit-il, je me suis laissé dire que c’est un mouchard envoyé de Paris pour l’affaire du Valfeuillu ; pas grand’chose de bon probablement, mal élevé, brutal… et une mise.

— Mais il n’est pas seul avec Monsieur ?

— Non. Il y a encore le docteur Gendron.

Mme Petit grillait d’obtenir quelques renseignements de Baptiste ; mais Baptiste brûlait de rentrer pour savoir ce qu’on faisait chez son maître, il partit sans avoir rien dit.

Plus d’une grande heure se passa encore, et Mme  Pe-