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— Alors, poursuivit le juge de paix, on s’est adressé au docteur Gendron. Il a, vous le savez, trouvé des réactifs qui décèlent la présence d’un alcaloïde, quel qu’il soit, dans les matières soumises à son analyse. Il m’a parlé de certain papier sensibilisé…

Faisant un héroïque appel à toute son énergie, Robelot s’efforçait de se relever sous le coup et de reprendre contenance.

— Je connais, dit-il, les procédés du docteur Gendron, mais je ne vois pas sur qui peuvent porter les soupçons dont parle monsieur le juge de paix.

Le père Plantat était désormais fixé.

— On a, je pense, mieux que des soupçons, répondit-il. Mme de Trémorel, vous le savez, a été assassinée, on a dû inventorier ses papiers, et on a retrouvé des lettres, une déclaration des plus accablantes, des reçus… que sais-je.

Robelot, lui aussi, savait à quoi s’en tenir ; cependant il eut encore la force de dire :

— Bast ! il faut espérer que la justice fait erreur.

Puis, telle était la puissance de cet homme, que, malgré le tremblement nerveux qui secouait tout son corps comme le vent agite les feuilles du tremble, il ajouta, contraignant ses lèvres minces à dessiner un sourire :

Mme Courtois ne descend pas, on m’attend chez moi, je reviendrai demain. Bonsoir, monsieur le juge de paix et la compagnie.

Il sortit et bientôt on entendit le sable de la cour crier sous ses pas. Il allait, trébuchant comme un homme qui a bu.

Le rebouteux parti, M. Lecoq vint se poser en face du père Plantat et ôtant son chapeau :

— Je vous rends les armes, monsieur, dit-il, et je m’incline ; vous êtes fort comme mon maître, le grand Tabaret.

Décidément, l’agent de la sûreté était « empoigné ». L’artiste en lui se réveillait ; il se trouvait en face d’un beau crime, d’un de ces crimes qui triplent la vente de