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— Eh bien, dit le père Plantat, vous qui aimez à vous instruire, et qui êtes curieux, réjouissez-vous. Le docteur va, ces jours-ci, avoir un beau sujet d’études, et certainement il vous prendra pour aide.

Maître Robelot était bien trop fin pour n’avoir pas deviné depuis quelques minutes déjà que cette conversation, cet interrogatoire plutôt, avait un but. Mais lequel ? Où en voulait venir le juge paix ? Il se le demandait, non sans une sorte de terreur irraisonnée. Et récapitulant avec la foudroyante rapidité de la pensée, à combien de questions, oiseuses en apparence, il avait répondu et où l’avaient conduit ces questions, il tremblait.

Il crut être habile et esquiver d’autres demandes en disant :

— Je suis toujours aux ordres de mon ancien maître, quand il a besoin de moi.

— Il aura besoin de vous, je vous l’affirme, prononça le père Plantat.

Et d’un ton détaché qui démentait le regard de plomb qu’il fit peser sur le rebouteux d’Orcival, il ajouta :

— L’intérêt sera énorme et la tâche difficile. On va, mon brave, exhumer le cadavre de M. Sauvresy.

Robelot était assurément préparé à quelque chose de terrible et il était armé de toute son audace. Cependant, ce nom de Sauvresy tomba sur sa tête comme un coup de massue, et c’est d’une voix étranglée qu’il balbutia :

— Sauvresy !

Le père Plantat, qui ne voulait pas voir, avait déjà détourné la tête et continuait de ce ton qu’on prend en parlant de choses indifférentes, de la pluie et du beau temps.

— Oui, on exhumera Sauvresy. On soupçonne, — la justice a toujours des soupçons, — qu’il n’est pas mort d’une maladie parfaitement naturelle.

Le rebouteux s’appuyait à la muraille pour ne pas tomber.