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— Oui, monsieur le juge de paix, bien à votre service.

— C’est-à-dire que vous nous écoutiez !

— Oh ! pour ça, non, monsieur le juge de paix, j’attends Mme Courtois pour savoir si elle n’a rien à me commander.

Une réflexion soudaine traversa le cerveau du père Plantat, l’expression de son œil changea ; il fit un signe à M. Lecoq comme pour lui recommander l’attention, et s’adressant au rebouteux d’une voix plus douce :

— Approchez donc, maître Robelot, dit-il.

D’un regard, M. Lecoq avait toisé et évalué l’homme.

Le rebouteux d’Orcival était un petit homme chétif d’apparence, d’une force herculéenne en réalité. Ses cheveux coupés en brosse découvraient son front large et intelligent. Ses yeux clairs étaient de ceux où flambe le feu de toutes les convoitises, et ils exprimaient, quand il oubliait de les surveiller, une audace cynique. Un sourire bas errait toujours sur ses lèvres plates et minces, que n’ombrageait pas un seul poil de barbe.

D’un peu loin, avec sa taille exiguë et sa face imberbe, il ressemblait à ces odieux gamins de Paris, qui sont comme l’essence même de toutes les corruptions, dont l’imagination est plus souillée que le ruisseau où ils cherchent les sous perdus entre les pavés.

À l’invitation du juge de paix, le rebouteux fit quelques pas dans le salon, souriant et saluant.

— Monsieur le juge de paix, disait-il, aurait-il par hasard et par bonheur besoin de moi ?

— Nullement, maître Robelot, en aucune façon. Je veux seulement vous féliciter d’être arrivé si à propos pour saigner M. Courtois. Votre coup de lancette lui a peut-être sauvé la vie.

— C’est bien possible, tout de même, répondit le rebouteux.

M. Courtois est généreux, il reconnaîtra bien ce service qui est grand.

— Oh ! je ne lui demanderai rien. Je n’ai, Dieu merci !