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Quand il demanda combien il devait, elle eut un geste de mépris en disant : « Rien. »

Dès qu’il sortit de l’auberge, son sac de nuit à la main :

— Marchons vite, maintenant, fit le père Plantat, d’autant que je tiens à passer prendre des nouvelles de notre pauvre maire.

Les trois hommes hâtèrent le pas et le vieux juge de paix, agité de pressentiments funestes, cherchant à combattre ses inquiétudes, poursuivait :

— S’il était survenu chez Courtois un événement grave, certainement je serais prévenu à cette heure. Peut-être Laurence a-t-elle écrit simplement qu’elle est malade ou même un peu indisposée. Mme  Courtois, qui est bien la meilleure des femmes qui soient au monde, se monte la tête pour un rien, elle aura voulu envoyer son mari chercher leur fille immédiatement. Ce sera, vous le verrez, quelque fausse alerte.

Non. Il était arrivé quelque catastrophe.

Devant la grille de l’habitation du maire, stationnaient une quinzaine de femmes du bourg. Au milieu du groupe, Baptiste, le valet qui fait ce qu’il veut, pérorait et gesticulait.

Mais à l’approche du redoutable juge de paix, les commères s’envolèrent comme une troupe de mouettes effarouchées.

Elles l’avaient reconnu d’assez loin à la lueur d’un réverbère.

Car Orcival possède et étale orgueilleusement vingt réverbères, présent de M. Courtois, qu’on allume jusqu’à minuit les soirs où il n’y a pas de lune. Vingt réverbères à huile de pétrole achetés à la liquidation d’une ville qui, assez riche pour se payer des lumières plus éclatantes, venait d’adopter le gaz.

Les réverbères d’Orcival n’éclairent peut-être pas beaucoup, mais par les soirées d’hiver, quand il y a du brouillard surtout, l’huile de pétrole répand une abominable odeur.