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de la lumière du jour. Il me paraît d’ailleurs que, sauf un détail qui m’inquiète, je tiens complètement l’affaire.

— Il faut alors être ici demain de bon matin.

— J’y serai, monsieur à l’heure qu’il vous plaira.

— Vos explorations terminées, nous nous rendrons ensemble à Corbeil, chez monsieur le juge d’instruction.

— Je suis aux ordres de monsieur le juge de paix.

Le silence recommença.

Le père Plantat se sentait deviné et il ne comprenait rien au singulier caprice de l’agent de la sûreté qui, si prompt quelques heures plus tôt, se taisait maintenant.

M. Lecoq, lui, ravi de taquiner un peu le juge de paix, se proposait de l’étonner prodigieusement le lendemain en lui présentant un rapport qui serait le fidèle exposé de toutes ses idées. En attendant, il avait tiré sa bonbonnière et confiait mille choses au portrait.

— Puisqu’il en est ainsi, fit le docteur, il ne nous reste plus, ce me semble, qu’à nous retirer.

— J’allais demander la permission de le faire, dit M. Lecoq ; je suis à jeun depuis ce matin.

Le père Plantat prit un grand parti :

— Regagnez-vous Paris ce soir, M. Lecoq ? demanda-t-il brusquement.

— Non, monsieur, je suis arrivé ici ce matin avec l’intention d’y coucher. J’ai même apporté mon sac de nuit, qu’avant de venir au château j’ai déposé à cette petite auberge qui est au bord de la route et qui a un grenadier peint sur sa devanture. C’est là que je me propose de souper et de coucher.

— Vous serez fort mal au Grenadier fidèle, fit le vieux juge de paix, vous ferez acte de prudence en venant dîner avec moi.

— Monsieur le juge de paix est vraiment trop bon…

— De plus, comme nous avons à causer et peut-être longuement, je vous offre une chambre ; nous allons prendre votre sac de nuit en passant.