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vôtres. La médecine légale ne doit se prononcer que sur des faits patents, démontrés, indiscutables. Si elle a un doute, le moindre, le plus léger, elle doit se taire. Je dirai plus : s’il y a incertitude, mon avis est que l’accusé doit en recueillir le bénéfice et non l’accusation.

Ce n’était, certes, pas là l’opinion de l’agent de la sûreté, mais il se garda bien d’en rien dire.

C’est avec une attention passionnée qu’il avait suivi le docteur Gendron, et la contraction de sa physionomie disait l’effort de son intelligence.

— Il me paraît possible maintenant, dit-il, de déterminer où et comment la comtesse a été frappée.

Le docteur avait recouvert le cadavre et le père Plantat avait replacé la lampe sur la petite table.

Ils engagèrent tous deux M. Lecoq à s’expliquer.

— Eh bien ! reprit l’homme de la police, la direction de la blessure de Mme  de Trémorel me prouve qu’elle était dans sa chambre, prenant le thé, assise et le corps un peu incliné en avant, lorsqu’elle a été assassinée. L’assassin est arrivé par derrière, le bras levé, il a bien choisi sa place et a frappé avec une force terrible. Telle a été la violence du coup, que la victime est tombée en avant, et que dans la chute, son front rencontrant l’angle de la table, elle s’est fait la seule blessure ecchymosée que nous ayons remarquée à la tête.

M. Gendron examinait alternativement M. Lecoq et le père Plantat, qui échangeaient des regards au moins singuliers. Peut-être se doutait-il du jeu qu’ils jouaient.

— Évidemment, dit-il, le crime doit avoir eu lieu comme l’explique monsieur l’agent.

Il y eut un autre silence si embarrassant que le père Plantat jugea convenable de l’interrompre. Le mutisme obstiné de M. Lecoq le taquinait.

— Avez-vous vu, lui demanda-t-il, tout ce que vous aviez à voir !

— Pour aujourd’hui, oui, monsieur. Pour les quelques perquisitions qui me seraient encore utiles, j’ai besoin