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basques immenses, à boutonnière ornée du ruban rouge de la Légion d’honneur, véritable habit de savant, et il avait retroussé, bien au-dessus du coude, les manches de sa chemise de forte toile.

Près de lui, sur une petite table destinée à recevoir les rafraîchissements, étaient épars les instruments dont il s’était servi, des bistouris et plusieurs sondes d’argent.

Il avait dû, pour les investigations, dépouiller le cadavre, et il l’avait ensuite recouvert d’un grand drap blanc qui dessinait vaguement les formes du corps et dépassait, d’un côté, les bandes du billard.

La nuit était venue et une grosse lampe, à globe de cristal dépoli, éclairait cette scène sinistre.

Penché au-dessus d’un immense seau d’eau, le docteur finissait de se laver les mains, lorsque entrèrent le vieux juge de paix et l’agent de la sûreté.

Au bruit de la porte, M. Gendron se redressa vivement :

— Ah ! c’est vous, Plantat, dit-il, — d’une voix dont l’altération était parfaitement sensible, — où est M. Domini ?

— Parti.

Le docteur ne prit pas la peine de réprimer un mouvement de vive impatience.

— Il faut pourtant que je lui parle, dit-il, c’est indispensable et le plus tôt sera le mieux. Car enfin, je me trompe peut-être, je puis me tromper…

M. Lecoq et le père Plantat s’étaient approchés, refermant la porte qu’assiégeaient les domestiques du château.

Entrés dans le cercle de la lumière de la lampe, ils purent voir combien étaient bouleversés les traits si régulièrement calmes de M. Gendron.

Il était pâle, plus pâle que la morte qui gisait là sous ce grand drap.

L’altération des traits et de la voix du docteur ne pouvait être causée par la tâche qu’il venait de remplir.