Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/446

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sassiner lâchement une vieille femme ! Vous n’oseriez le répéter.

Mademoiselle d’Arlange s’arrêta, un sourire de victoire sur les lèvres. Il signifiait, ce sourire : « Enfin, je l’emporte, vous êtes vaincu, à tout ce que je viens de vous dire, que répondre ? »

Le juge d’instruction ne laissa pas longtemps cette riante illusion à la malheureuse enfant. Il ne s’apercevait pas de ce que son insistance avait de cruel et de choquant. Toujours la même idée ! Persuader Claire, c’était justifier sa conduite !

— Vous ne savez pas, mademoiselle, reprit-il, quels vertiges peuvent faire chanceler la raison d’un honnête homme. C’est à l’instant où une chose nous échappe que nous comprenons bien l’immensité de sa perte. Dieu me préserve de douter de ce que vous me dites ! mais représentez-vous la grandeur de la catastrophe qui frappait M. de Commarin. Savez-vous si, en vous quittant, il n’a pas été pris du désespoir, et à quelles extrémités il l’a conduit ! Il peut avoir eu une heure d’égarement et agir sans la conscience de son action. Peut-être est-ce ainsi qu’il faut expliquer le crime.

Le visage de mademoiselle d’Arlange se couvrit d’une pâleur mortelle et exprima la plus profonde terreur. Le juge put croire que le doute effleurait enfin ses nobles et pures croyances.

— Il aurait donc été fou ! murmura-t-elle.