Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/414

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que l’anéantissement était moins profond. Ses yeux restaient fermés, mais on pouvait constater quelques clignotements des paupières ; elle s’agitait sur ses oreillers et geignait faiblement.

— Que dit le docteur ? demanda le père Tabaret, de cette voix chuchotante qu’on prend involontairement dans la chambre d’un malade.

— Il sort d’ici, répondit Noël ; avant peu ce sera fini.

Le bonhomme s’avança sur la pointe du pied et considéra la mourante avec une visible émotion.

— Pauvre femme ! murmura-t-il, le bon Dieu lui fait une belle grâce de la prendre. Elle souffre peut-être beaucoup, mais que sont ces douleurs comparées à celle qu’elle endurerait, si elle savait que son fils, son véritable fils, est en prison accusé d’un assassinat !

— C’est ce que je me répète, reprit Noël, pour me consoler un peu de la voir sur ce lit. Car je l’aime toujours, mon vieil ami ; pour moi c’est encore une mère. Vous m’avez entendu la maudire, n’est-il pas vrai ? Je l’ai dans deux circonstances traitée bien durement, j’ai cru la haïr, mais voilà qu’au moment de la perdre j’oublie tous ses torts pour ne me souvenir que de ses tendresses. Oui, mieux vaut la mort pour elle. Et pourtant, non, je ne crois pas, non, je ne puis croire que son fils soit coupable.

— Non ! n’est-ce pas, vous non plus !…

Le père Tabaret mit tant de chaleur, une telle vi-