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ARMINIUS,
L’intérêt de l’empire, et le vôtre, et le mien,
Ne me sauraient montrer, que ce que je vois bien.
Quand je ne voudrais pas, et vivre, et mourir libre ;
Et quand j’ignorais la puissance du Tibre ;
Le juste et seul désir que j’ai de me venger,
Verrait changer la terre, avant que de changer.
Qui m’outrage une fois, n’apaise plus mon âme ;
Le temps, même le temps, irrite encore sa flamme ;
Le feu de la colère, éternel en mon cœur,
S’entretient, et résiste, à ce puissant vainqueur.
Non, quand Germanicus, et toutes ses cohortes,
(Fussent elles encore plus fières et plus fortes ;)
Quand l’empire romain s’armerait contre nous,
On me verrait vaincu, mais non pas mon courroux.
Que ce superbe oiseau qui porte les tempêtes,
Nous couvre de son aile, ou fonde sur nos têtes ;
Qu’il avance ou recule, un danger apparent,
Si je me puis venger, tout m’est indifférent.
Je ne suis les romains, que pour cette vengeance ;
Je sais qu’en les suivant, je commets une offense ;
Mais quoi, pour se venger, tout doit être permis ;
Et l’on peut employer jusqu’à ses ennemis.
FLAVIAN.
Ha, que vous m’obligez !
SEGESTE.
Je m’oblige moi-même,