Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oh ! Madame Gertrude, dit André, il n’est pas possible que vous ayez si peu dépensé pour nous ; à ce compte-là vous devez être en perte et nous serions trop riches.

— Non, non, dit obstinément l’excellente petite vieille ; soyez tranquille, André, je ne suis point en perte, et j’ai eu tant de plaisir à vous avoir avec moi que ma vieille maison va me paraître vide à présent et mes années plus lourdes à porter. Hélas ! la belle jeunesse ressemble au soleil, elle réchauffe tout ce qui l’entoure.

— Oh ! Madame Gertrude, dit Julien ému en l’embrassant de tout son cœur, nous penserons souvent à vous et nous vous écrirons quand nous aurons rejoint notre oncle.

— Oui, mes enfants, il faudra m’écrire ; et si vous vous trouviez dans l’embarras, adressez-vous à moi. Je ne suis pas riche, mais je suis si économe que je trouve toujours moyen de mettre quelques petites choses de côté. L’économie a cela de bon, voyez-vous, que non seulement elle vous empêche de devenir à charge aux autres, mais encore elle vous permet de secourir à l’occasion ceux qui souffrent.

— Madame Gertrude, nous allons tâcher de faire comme vous, dirent les deux enfants : nous allons être bien économes. Nous sommes tout fiers d’avoir tant d’argent !… cela nous donne bon courage et bon espoir.



XXIX. — La Haute-Saône et Vesoul. — Le voiturier jovial. — La confiance imprudente.


Ne vous fiez pas étourdiment à ceux que vous ne connaissez point. On ne se repent jamais d’avoir été prudent.


Depuis que le jour du départ était fixé, la mère Gertrude s’était mise en quête pour trouver aux enfants l’occasion d’une voiture. Après bien des peines et au prix d’une légère gratification, elle découvrit un voiturier qui allait à Vesoul et le décida à prendre les enfants avec lui.

Le lendemain, de grand matin, elle les conduisit à la place où le voiturier avait donné rendez-vous, et après s’être embrassés plus d’une fois, on se sépara les larmes aux yeux et le cœur bien gros.

Il était à peine quatre heures du matin lorsque la voiture quitta Épinal ; aussi le soir même les enfants étaient à Vesoul, c’est-à-dire en Franche-Comté. Vesoul est une petite ville