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tageant une pomme que la mère Étienne avait mise dans la poche de Julien.

Les enfants continuèrent à marcher courageusement tout le reste de la nuit, et aussi vite qu’ils pouvaient. Le ciel était si lumineux que la route était devenue facile à reconnaître. Leur seule préoccupation était à présent d’échapper aux surveillants de la frontière, jusqu’à ce qu’on eût franchi le col de la montagne qui sépare en cet endroit la France des pays devenus allemands. Les jeunes voyageurs s’avançaient avec attention, sans bruit, passant comme des ombres à travers ce pays boisé.

COL DES VOSGES. — Un col est un passage étroit entre deux montagnes. Quand on arrive en haut d’un col, on aperçoit derrière soi le versant de la montagne qu’on vient de gravir, et devant soi celui qu’on va redescendre.

Ce fut vers le matin qu’ils atteignirent enfin le col.

Alors, se trouvant sur l’autre versant de la montagne, les deux enfants virent tout à coup s’étendre à leurs pieds les campagnes françaises, éclairées par les premières lueurs de l’aurore. C’était là ce pays aimé vers lequel ils s’étaient dirigés au prix de tant d’efforts.

Le cœur ému, songeant qu’ils étaient enfin sur le sol de la France et que le vœu de leur père était accompli, ils s’agenouillèrent pieusement sur cette terre de la patrie qu’ils venaient de conquérir par leur courage et leur volonté persévérante ; ils élevèrent leur âme vers le ciel, et tout bas remerciant Dieu, ils murmurèrent :

— France aimée, nous sommes tes fils, et nous voulons toute notre vie rester dignes de toi !

Lorsque le soleil parut, empourprant les cimes des Vosges, ils étaient déjà loin de la frontière, hors de tout danger ; et se tenant toujours par la main ils marchaient joyeusement sur une route française, marquant le pas comme de jeunes conscrits.