Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
JEAN RIVARD

disons un mot de ce brave et fidèle serviteur qui fut à la fois l’ami et le premier compagnon des travaux de Jean Rivard.

Pierre Gagnon était un de ces hommes d’une gaîté intarissable, qui conservent leur bonne humeur dans les circonstances les plus difficiles, et semblent insensibles aux fatigues corporelles. Ses propos comiques, son gros rire jovial, souvent à propos de rien, servaient à égayer Jean Rivard. Il s’endormait le soir en badinant, et se levait le matin en chantant. Il savait par cœur toutes les chansons du pays, depuis la « Claire Fontaine » et « Par derrièr’ chez ma tante » jusqu’aux chansons modernes, et les chantait à qui voulait l’entendre, souvent même sans qu’on l’y invitât. Son répertoire était inépuisable : chansons d’amour, chants bachiques, guerriers, patriotiques, il en avait pour tous les goûts. Il pouvait de plus raconter toutes les histoires de loups-garous et de revenants qui se transmettent d’une génération à l’autre parmi les populations des campagnes. Il récitait de mémoire, sans en omettre une syllabe, l’éloge funèbre de Michel Morin, bedeau de l’église de Beauséjour, le Contrat de mariage entre Jean Couché debout et Jacqueline Doucette, etc., et nombre d’autres pièces et contes apportés de France par nos pères, et conservés jusqu’à ce jour dans la mémoire des enfants du peuple.

On peut dire que pour Jean Rivard, Pierre Gagnon était l’homme de la circonstance. Aussi l’appelait-il complaisamment son intendant. Pierre cumulait toutes les fonctions de l’établissement ; il avait la garde des provisions, était cuisinier, fournissait la maison de bois de chauffage, était tour-à-tour forge-