Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
LE DÉFRICHEUR.

nom de Pierre Gagnon, gaillard robuste, toujours prêt à tout faire, et habitué d’ailleurs aux travaux les plus durs. Jean Rivard convint de lui payer quinze louis par année en sus de la nourriture et du logement. Pour une somme additionnelle de dix louis, il pouvait se procurer des provisions de bouche pour plus de six mois, les ustensiles les plus indispensables, et quelques objets d’ameublement de première nécessité. Mais pour éviter les frais de transport, tous ces articles devaient être achetés au village de Lacasseville.

Cependant plus l’heure du départ approchait, plus Jean Rivard devenait triste ; une sombre mélancolie qu’il ne pouvait dissimuler s’emparait de son âme, à l’idée de quitter ses amis, ses voisins, sa famille, surtout sa vieille mère, dont il avait été l’espoir depuis le jour où elle était devenue veuve. La vérité nous oblige aussi de dire en confidence au lecteur qu’il y avait à la maison voisine une jeune et jolie personne de dix-sept ans dont Jean Rivard ne pouvait se séparer qu’avec regret. C’était mademoiselle Louise Routier, fille de M. François Routier, ancien et fidèle ami de feu Baptiste Rivard. Jean et Louise avaient été élevés presque ensemble et avaient naturellement contracté l’un pour l’autre un attachement assez vif. Mais on ne saurait mieux faire connaître dans quelle disposition de cœur se trouvait notre héros à l’égard de cette jeune fille qu’en rapportant l’extrait suivant d’une lettre écrite à cette époque par Jean Rivard lui-même à son ami Gustave Charmenil :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Que fais-tu donc, mon cher Gustave, que tu ne m’écris plus ? As-tu sur le métier quelque poême de