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JEAN RIVARD

terre ? Car, même en supposant que vous seriez un des privilégiés de votre ordre, vous vous rendrez à trente ans et peut-être plus loin, avant de pouvoir vous marier. La vanité, les exigences sociales sont pour beaucoup, il est vrai, dans cette fatale et malheureuse nécessité, mais le fait existe, et vous ne serez probablement pas homme à rompre en visière aux habitudes de votre classe. »

Cette dernière considération était de nature à faire une forte impression sur Jean Rivard, comme on le comprendra plus tard.

— « Il y a enfin, mon cher enfant, ajouta le bon prêtre, une autre considération dont on ne s’occupe guère à votre âge, mais qui me paraît à moi plus importante que toutes les autres ; c’est que la vie des villes expose à toutes sortes de dangers. Sur le grand nombre de jeunes gens qui vont y étudier des professions, ou y apprendre le commerce, bien peu, hélas ! savent se préserver de la contagion du vice. Ils se laissent entraîner au torrent du mauvais exemple. Puis, dans les grandes villes, voyez-vous, les hommes sont séparés pour ainsi dire de la nature ; l’habitude de vivre au milieu de leurs propres ouvrages les éloigne de la pensée de Dieu. S’ils pouvaient comme nous admirer chaque jour des magnificences de la création, ils s’élèveraient malgré eux jusqu’à l’auteur de toutes choses, et la cupidité, la vanité, l’ambition, les vices qui les tourmentent sans cesse n’auraient plus autant de prise sur leurs cœurs…

Le bon prêtre allait continuer ses réflexions, lorsque Jean Rivard se levant :

— « Monsieur le curé, dit-il, vos réflexions sont certainement bien propres à me convaincre que je me