pauvre, mais grâce à son dur travail, les environs de sa cabane commençaient à s’éclaircir, et il goûtait déjà un peu de bonheur en songeant que s’il passait l’hiver sans accident, sa prochaine récolte lui rapporterait assez pour qu’il n’eût plus besoin de recourir au marchand.
L’infortuné colon ne prévoyait pas l’affreux malheur qui l’attendait.
Parti un jour de sa cabane, vers la fin de novembre, les épaules chargées de deux minots de cendre, il s’était rendu comme d’habitude chez le marchand voisin et en avait obtenu la ration accoutumée, après quoi il s’était remis en route pour traverser les six lieues de forêt qui le séparaient de sa demeure. Il se sentait presque joyeux, malgré ses fatigues et sa misère. Mais à peine avait-il fait deux lieues qu’une neige floconneuse se mit à tomber ; l’atmosphère en fut bientôt obscurcie et le ciel et le soleil cachés aux regards ; en moins d’une heure, une épaisse couche blanche avait couvert le sol, les arbustes et les branches des grands arbres. Notre voyageur avait encore trois lieues à faire lorsqu’il s’aperçut, à sa grande terreur, qu’il avait perdu sa route. Les ténèbres de la nuit couvrirent bientôt la forêt, et il dut se résigner à coucher en chemin, ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’alors. Il songeait aux inquiétudes que devait avoir sa femme et cette pensée le tourmentait plus que le soin de sa propre conservation. Le lendemain matin de bonne heure, il partit, tâchant de s’orienter le mieux possible ; mais après avoir marché tout le jour, il fut tout étonné et tout alarmé de se retrouver le soir, au soleil couchant, juste à l’endroit où il s’était arrêté la veille.