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JEAN RIVARD

Sa toilette contrastait étrangement avec celle des autres jeunes gens, presque tous fils de cultivateurs. Mais cette disparité ne nuisait en rien à l’entrain général. Un seul pourtant parmi tous ces jeunes gens paraissait embarrassé : c’était Jean Rivard. Cet embarras fut bien plus pénible encore lorsque, vers la fin de l’épluchette, le jeune et beau Monsieur Duval vint gracieusement offrir à Mademoiselle Louise Routier un bel épi de blé-d’inde rouge… Notre défricheur, malgré toute sa vaillance, ne put supporter cette épreuve et passa brusquement dans la salle où devait commencer la danse.

Un autre ennui l’attendait là. On a déjà deviné que Mademoiselle Louise Routier fut la plus recherchée de toutes les jeunes danseuses. Comme la plupart des personnes de son âge, elle aimait passionnément la danse. Elle jetait bien de temps en temps un regard sur notre défricheur qui jouait dans un coin le rôle de spectateur, mais elle ne pouvait trouver l’occasion d’aller lui dire un mot.

Ce qui causa le plus de malaise à Jean Rivard ce fut de voir sa Louise danser à plusieurs reprises avec M. Duval, qui paraissait la considérer avec beaucoup d’intérêt, et auquel celle-ci semblait quelquefois sourire de la manière la plus engageante. Chacun de ses sourires était comme un coup de poignard porté au cœur de notre héros. Tous les assistants remarquaient cette préférence accordée au jeune marchand, et les femmes qui vont vite en ces matières-là s’entretenaient déjà de leur futur mariage.

Enfin, Jean Rivard n’y put tenir plus longtemps, et vers neuf heures, sous prétexte de quelque affaire,