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JEAN RIVARD

canadiennes, à l’époque des boucheries. Le reste fut mis dans un saloir.

Quant à la graisse, Pierre la fit fondre en y jetant du sel et de l’eau, après quoi elle remplaça le beurre dans la cuisine de Louiseville, pendant une partie de l’année.

Mais ce que nos défricheurs parurent affectionner davantage, ce fut la peau de la mère ourse. Pierre en fit un lit moelleux pour son jeune maître. La peau du jeune ourson que Pierre Gagnon voulait à toute force conserver pour en abriter le premier petit Rivard qui naîtrait à Louiseville fut sur l’ordre exprès de Jean Rivard, transformée en casque d’hiver que son sauveur Pierre Gagnon porta pendant plusieurs hivers consécutifs.

Ces deux peaux ainsi utilisées furent gardées longtemps comme souvenirs d’un événement qui revint bien souvent par la suite dans les conversations de nos défricheurs et se conserve encore aujourd’hui dans la mémoire des premiers habitants du canton de Bristol.

Mais revenons à notre orphelin, ou plutôt à notre orpheline, car il fut bientôt constaté que l’intéressant petit quadrupède appartenait au sexe féminin. Pierre n’hésita pas à la baptiser du nom de « Dulcinée » ; et quoiqu’elle fut loin d’être aussi gentille, aussi élégante que le charmant petit écureuil dont il déplorait encore la fuite, et dont l’ingratitude ne pouvait s’expliquer, il s’y attacha cependant avec le même zèle, tant ce pauvre cœur humain a besoin de s’attacher. Les petits des animaux mêmes les plus laids ont d’ailleurs je ne sais quoi de candide, d’innocent qui intéresse et touche les cœurs même les plus