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LE DÉFRICHEUR

Et Pierre Gagnon, pour la première fois de sa vie, se mit à pleurer comme un enfant.

Ce ne fut qu’au tout de quelques minutes qu’il remarqua les deux oursons. L’un d’eux voulant grimper dans un arbre cherchait à s’accrocher aux branches avec ses pieds de devant et au tronc avec ceux de derrière ; Pierre l’assomma d’un coup de hache.

L’autre qui était plus petit et ne paraissait pas s’apercevoir de ce qui se passait, s’approcha tout doucement de sa mère étendue morte et dont le sang coulait sur le sol ; il la flaira, puis relevant la tête, il poussa plusieurs petits hurlements ressemblant à des pleurs.

Cette action toucha le cœur de Pierre Gagnon. « Ce petit-là, dit-il, possède un bon naturel, et puisque le voilà orphelin, je vais, si vous le voulez, en prendre soin et me charger de son éducation. »

Jean Rivard y consentit sans peine, et l’habitation de nos défricheurs fut dès ce jour augmentée d’un nouvel hôte.

Tout le reste du jour et toute la journée du lendemain furent employés à lever les peaux, à dépecer les chairs, à préparer la viande et la graisse des deux animaux.

La chair de l’ours est généralement considérée comme plus délicate et plus digestible que celle du porc. Pierre en fuma des parties dont il fit d’excellents jambons. Nos défricheurs firent plusieurs repas copieux avec la chair succulente de l’ourson, surtout avec les pattes, reconnues pour être un mets fort délicat ; ils en envoyèrent plusieurs morceaux à leurs voisins, suivant l’usage invariable des campagnes