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ÉCONOMISTE.

« C’est là le beau côté de la vie du citadin. Quant au revers de la médaille, j’avoue qu’il ne manque pas de traits saillants. Il y a d’abord le contraste frappant entre l’opulence et la misère. Quand je rencontre sur ma route de magnifiques carrosses traînés par des chevaux superbes, dont l’attelage éblouit les yeux ; quand je vois au fond des carrosses étendues sur des coussins moelleux, de grandes dames resplendissantes de fraîcheur, vêtues de tout ce que les boutiques offrent de plus riche et de plus élégant, je suis porté à m’écrier : c’est beau, c’est magnifique. Mais lorsqu’à la suite de ces équipages, j’aperçois quelque pauvre femme, à moitié vêtue des hardes de son mari, allant vendre par les maisons le lait qu’elle vient de traire et dont le produit doit servir à nourrir ses enfants ; quand je vois sur le trottoir à côté le vieillard au visage ridé, courbé sous le faix des années et de la misère, aller de porte en porte mendier un morceau de pain… oh ! alors, tout plaisir disparaît pour faire place au sentiment de la pitié.

« Ce matin je me suis levé avec le soleil ; la température invitait à sortir ; j’ai été avant mon déjeuner respirer l’air frais du matin.

« Parmi ceux que je rencontrai, les uns en costume d’ouvrier, et chargés de leurs outils, allaient commencer leur rude travail de chaque jour ; parmi ceux là quelques-uns paraissaient vigoureux, actifs, pleins de courage et de santé, tandis que la tristesse et le découragement se lisaient sur la figure des autres ; une pâleur livide indiquait chez ces derniers quelque longue souffrance physique ou morale. Des femmes, des jeunes filles allaient entendre la basse messe à l’église la plus proche ; d’autres, moins favorisées