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ÉCONOMISTE.

cider les contestations. Qu’on viole une de ces règles, et la meilleure cause est perdue ; on ruine peut-être son client, quand même on aurait la justice et toutes les raisons du monde de son côté. Cette responsabilité m’effraie souvent. Mais la partie la plus ennuyeuse du métier, c’est sans contredit la nécessité de se faire payer. J’ai toujours eu une répugnance invincible à demander de l’argent à un homme. Cette répugnance est cause que je perds une partie de mes honoraires. Chaque fois que je pense à me faire payer, j’envie le sort du cultivateur qui, lui, ne tourmente personne, mais tire de la terre ses moyens d’existence. C’est bien là, à mon avis, la seule véritable indépendance.

« Si j’avais à choisir, je préférerais certainement la vie rurale à toute autre. Cependant je dois dire que la vie de citadin ne me déplaît pas autant qu’autrefois. J’y trouve même certains charmes à côté des mille choses étranges qui froissent le cœur ou qui blessent le sens commun. Lorsqu’on est enthousiaste comme je le suis pour toutes les choses de l’esprit, pour les luttes de l’intelligence, pour les livres, pour les idées nouvelles et les découvertes dans le domaine des sciences et des arts : lorsqu’on prend intérêt aux progrès matériels qui s’accomplissent autour de soi, au mouvement du commerce et de l’industrie, en un mot, à tout ce qui constitue ce qu’on appelle peut-être improprement la civilisation, la vie des grandes cités offre plus d’un attrait. Le contact avec les hommes éminents dans les divers états de la vie initie à une foule de connaissances en tous genres. Les grands travaux exécutés aux frais du public, canaux, chemins de fer, aqueducs, les