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ÉCONOMISTE.

incendie. En effet, diverses personnes accoururent, tout effrayées, apportant la nouvelle que le feu était dans les bois. L’alarme se répandit, toute la population fut bientôt sur pied. Presque aussitôt, les flammes apparurent au-dessus du faîte des arbres : il y eut parmi la population un frémissement général. En moins de rien, l’incendie avait pris des proportions effrayantes ; tout le firmament était embrasé. On fut alors témoin d’un spectacle saisissant ; les flammes semblaient sortir des entrailles de la terre et s’avancer perpendiculairement sur une largeur de près d’un mille. Qu’on se figure une muraille de feu marchant au pas de course et balayant la forêt sur son passage. Un bruit sourd, profond, continu se faisait entendre, comme le roulement du tonnerre ou le bruit d’une mer en furie. À mesure que le feu se rapprochait, le bruit devenait plus terrible : des craquements sinistres se faisaient entendre. On eût dit que les arbres, ne pouvant échapper aux étreintes du monstre, poussaient des cris de mort.

Les pauvres colons quittaient leurs cabanes et fuyaient devant l’incendie, chassant devant eux leurs animaux. Les figures éplorées des pauvres mères tenant leurs petits enfants serrés sur leur poitrine, présentaient un spectacle à fendre le cœur.

En un clin d’œil, toute la population du canton fut rassemblée au village. L’église était remplie de personnes de tout âge, de tout sexe, priant et pleurant, en même temps que le tocsin sonnait son glas lamentable. Hommes, femmes, enfants, vieillards, tous entouraient le prêtre, le suppliant d’implorer pour eux la miséricorde de Dieu. Un instant, on craignit pour la sûreté de l’église ; les flammes se portèrent