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JEAN RIVARD

Tu comprends bien que je ne subsiste pas encore des revenus de ma profession ; je t’avouerai même en confidence que j’en retire à peine assez pour payer le loyer de mon bureau ; j’ai beau proclamer en grosses lettres sur la porte et dans les fenêtres de mon étude mon nom et ma qualité d’avocat, la clientèle n’en arrive pas plus vite. Le fait est qu’il y a maintenant, suivant le vieux dicton, plus d’avocats que de causes ; que diable ! nous ne pouvons pas exiger que les voisins se brouillent entre eux pour nous fournir l’occasion de plaider. J’ai donc pris mon parti : j’attends patiemment que les vieux patriciens montent sur le banc des juges ou descendent dans les champs élysées ; j’attraperai peut-être alors une petite part de leur clientèle. En attendant, je trouve par-ci par-là quelque chose à gagner ; je sais passablement l’anglais, je me suis mis à faire des traductions ; cette besogne ne me déplaît pas trop ; je la préfère au métier de copiste qui n’occupe que les doigts ; j’étudie aussi la sténographie ou plutôt la phonographie, et bientôt je pourrai, en attendant mieux, me faire rapporteur pour les gazettes. Tu vois que je ne perds pas courage et que je sais prendre les choses philosophiquement.

« Nous sommes un assez bon nombre de notre confrérie ; nous nous encourageons mutuellement.

« Nous avons cru découvrir dernièrement un moyen de nous faire connaître, ou comme on dit parmi nous, de nous mettre en évidence : Nous sommes à l’affût de toutes les contestations électorales, et s’il s’en présente une, soit dans une ville soit dans un comté, vite nous nous rendons sur les lieux, accompagnés de nos amis. Là, juchés sur un esca-