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ÉCONOMISTE.

fois, ces deux jeunes gens s’étaient sentis comme magnétiquement attirés l’un vers l’autre ; la liaison la plus étroite n’avait pas tardé à s’établir entre eux.

Ils avaient formé ensemble les plus charmants projets. Ils devaient, en sortant du collège, s’établir à la campagne dans le voisinage l’un de l’autre, et cultiver ensemble la terre, les muses et la philosophie. Jean Rivard devait épouser la sœur d’Octave Doucet qu’il n’avait jamais vue, mais qu’il aimait parce qu’il la supposait douée de toutes les belles qualités de son ami.

Mais, à l’encontre de leurs communes prévisions, Jean Rivard avait dû sortir du collège avant la fin de sa Rhétorique, et le jeune Octave Doucet, une fois son cours terminé, avait pris la soutane. Vers le temps où Jean Rivard s’enfonçait dans la forêt, la hache à la main, Octave Doucet songeait à se faire admettre au sacerdoce et à aller évangéliser les habitants des cantons de l’Est.

Plein de zèle et de courage, il avait lui-même sollicité la faveur de consacrer les plus belles années de sa jeunesse aux durs et pénibles travaux des missions ; et à l’époque du mariage de Jean Rivard, il y avait déjà un an qu’il annonçait la parole de Dieu dans ces régions incultes.

Les missionnaires de nos cantons n’ont pas, il est vrai, de peuplades sauvages à instruire et civiliser ; ils ne sont pas exposés comme ceux de contrées plus lointaines à être décapités, brûlés à petit feu, scalpés ou massacrés par la main des barbares, mais ils se dévouent à toutes les privations que peut endurer la nature humaine, au froid, aux fatigues, à la faim, à tous les maux qui résultent de la pauvreté, de l’isolement et d’un travail dur et constant.