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JEAN RIVARD

base, la source première de la richesse d’un pays, on tremble de se montrer généreux. Comment ne comprend-on pas que dans un jeune pays comme le nôtre, l’agriculture devrait être le principal objet de l’attention du législateur ? En supposant même pour un instant que le gouvernement se laissât aller à ce qui pourrait sembler une extravagance dans l’encouragement donné à l’agriculture et aux industries qui s’y rattachent, qu’en résulterait-il ? Aurions-nous à craindre une banqueroute ? Oh ! non, au contraire, une prospérité inouïe se révélerait tout-à-coup. Des centaines de jeunes gens qui végètent dans les professions, ou qui attendent leur vie du commerce, des industries des villes, des emplois publics, abandonneraient leurs projets pour se jeter avec courage dans cette carrière honorable. Et soyez sûr d’une chose : du moment que la classe instruite sera attirée vers l’agriculture, la face du pays sera changée.

— Je partage l’opinion de monsieur le curé, dit Jean Rivard ; je désirerais de tout mon cœur voir notre gouvernement commettre quelque énorme extravagance pour l’encouragement de l’agriculture. C’est la seule que je serais volontiers disposé à lui pardonner.

« Je sais ce qui vous fait sourire, ajouta monsieur le curé ; nos plans vous semblent chimériques. Vous vous représentez un gouvernement possesseur de deux ou trois cents fermes-modèles, et vous vous dites : quel embarras ! quelle dépense ! et comment un ministre, fut-il l’homme le plus actif et le plus habile, pourrait-il suffire à administrer tout cela ?

« J’admets que ce serait une œuvre colossale, et qu’elle exigerait des efforts extraordinaires. Mais