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JEAN RIVARD

monsieur le curé me fit rasseoir, et nous fit consentir de la manière la plus aimable, à prendre le thé avec lui.

Pendant le souper, la conversation prit une tournure tout-à-fait sérieuse et roula principalement sur ces mille et une questions si importantes, si intéressantes, qui se rattachent aux destinées de la patrie — sur les divers moyens d’accroître le bien-être du peuple, et de le rendre meilleur et plus heureux. Je pus me convaincre aussitôt que ces sujets si graves avaient été déjà plus d’une fois l’objet des délibérations des deux amis. Je ne tardai pas non plus à m’apercevoir que les opinions de monsieur le curé sur la plupart de ces grandes questions coïncidaient parfaitement avec celles de Jean Rivard.

De là à la politique proprement dite il n’y avait qu’un pas, et je tentai, à diverses reprises, d’amener monsieur le curé sur ce terrain glissant : mais ce fut sans succès. Les questions de personnes ou de parti qui semblent seules avoir l’effet de passionner certaines gens le trouvaient complètement indifférent. Tout ce qu’il déplorait c’était la coupable insouciance de nos législateurs pour ce qu’il appelait les intérêts fondamentaux du pays, l’éducation, l’agriculture et l’industrie. « On parle sans cesse de réformes politiques, disait-il, sans songer à poser les bases premières de ces réformes. On oublie qu’en construisant un édifice, ce n’est pas par le faîte qu’il le faut commencer. »

Sur ce que je faisais observer à monsieur le curé que l’état de l’agriculture dans la paroisse de Rivardville m’avait paru ne rien laisser à désirer :

« C’est vrai, répondit-il, mais vous ne sauriez croire