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ÉCONOMISTE.

Jean Rivard, comme on le sait déjà, n’était pas dépourvu d’énergie, il ne se laissait pas d’ordinaire décourager par les obstacles. Mais bien qu’il eût fait résolument la guerre à la forêt, il n’était pas ce qu’on appelle un ferrailleur ; il ne combattait pas pour le plaisir de combattre ; toute opposition injuste, frivole, le chagrinait, parce qu’elle était à ses yeux une cause de faiblesse. Rien au contraire ne lui donnait autant de satisfaction que l’unanimité d’opinion sur une question quelconque.

L’union, l’union, disait-il sans cesse, c’est elle qui fait la force des sociétés, comme elle fait le bonheur des familles.

Il ne redoutait rien tant que de voir la discorde s’introduire dans la petite communauté qui était venue dans cette forêt chercher la paix et le bonheur.

Il eût donc indubitablement préféré ne pas avoir le voisinage de Gendreau-le-plaideux ; mais il lui fallut cette fois encore faire contre fortune bon cœur et prendre son parti de ce qu’il ne pouvait empêcher.

Une circonstance, assez peu importante au fond, lui révéla bientôt les ennuis auxquels il devait s’attendre dans les questions d’une portée plus sérieuse.

On se rappelle qu’à l’époque des amours de Jean Rivard et de Louise Routier, la localité qu’avait choisie notre héros pour y faire son établissement était quelquefois désignée sous le nom de Louiseville.

Cette appellation pourtant ne fut jamais guère en usage que dans la famille ou le cercle intime de Jean Rivard. Le plus souvent, lorsqu’on parlait de cette partie du canton de Bristol, on disait tout bonnement « Chez Jean Rivard, » ou « Au Ruisseau de Jean Rivard, » par allusion à la petite rivière qui traversait le lot de notre défricheur.