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ÉCONOMISTE

C’était à l’époque où la végétation est dans toute sa force et toute sa beauté. Un épais gazon couvrait le sol ; dans les champs ensemencés, les tiges des grains formaient un riche tapis de verdure ; dans les prairies, le foin s’élevait à plusieurs pieds de hauteur ; dans les jardins et partout autour des maisons les arbres étaient en fleur ou revêtus de feuillage, toute la nature semblait travailler au bien-être et au plaisir de l’homme.

La plus grande propreté se faisait remarquer dans le voisinage de la route et des habitations. On n’y voyait point de ces clôtures délabrées, de ces bâtiments en ruine, de ces monceaux d’ordures qui trop souvent attristent l’œil ou offusquent l’odorat du voyageur. Des troupeaux d’animaux des plus belles races connues, paissaient dans les gras pâturages. De distance en distance, à demie cachée par les arbres, apparaissait une jolie maison en brique ou en bois peint. C’est à peine si dans tout le cours de notre trajet, nos yeux s’arrêtèrent sur trois ou quatre chaumières de pauvre apparence. Cet air de prospérité me frappa tellement que je ne pus m’empêcher d’exprimer tout haut ma surprise et mon enthousiasme.

« Cette prospérité, me répondit mon compagnon, n’est pas seulement apparente ; si vous pouviez pénétrer, comme je le fais souvent, dans l’intérieur de ces demeures, vous verriez dans l’attitude et les paroles de presque tous les habitants, l’expression du contentement et du bonheur. Vous n’y verriez pas de faste inutile, mais une propreté exquise, et même une certaine élégance et tout le confort désirable.

— À quoi attribuez-vous donc cette prospérité ?