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JEAN RIVARD

cultivateur sachant lire et écrire. Bien plus, je voudrais que les sociétés d’agriculture pussent offrir des prix à ceux qui tiendraient les meilleurs registres de leurs travaux agricoles.

« C’est généralement le soir, après ma journée faite, que je fais mes entrées dans mon journal. Je me demande : qu’ai-je fait aujourd’hui ? Et je consigne ma réponse avec la plus grande précision possible. Je me rends compte à moi-même de l’emploi de ma journée. C’est en quelque sorte un examen de conscience.

« Voilà, en peu de mots, monsieur, tous les secrets de ma réussite. Et tout cela n’empêche pas la franche gaîté de venir de temps à autre s’asseoir à notre foyer. Il nous arrive assez souvent de passer des soirées entières à rire et badiner comme dans nos jours de jeunesse ; mon ami le curé de Rivardville en pleure de plaisir. Mais je serais ingrat envers la Providence, si je ne reconnaissais hautement ses bienfaits. La voix qui m’avait dit dès mon entrée dans la forêt : aide-toi, le ciel t’aidera — ne m’a pas trompé. Si ma propriété primitivement acquise au prix de vingt-cinq louis, en vaut à l’heure qu’il est, de quatre à cinq mille, j’en dois remercier avant tout Celui qui a voulu qu’elle devint en grande partie le site d’un village, que des moulins, des fabriques de diverses sortes fussent érigés sur la rivière qui la traverse, et enfin qu’une immense voie ferrée, passant dans son voisinage, vint inopinément en doubler la valeur.

« Maintenant, ajouta-t-il en se levant, puisque vous prenez tant d’intérêt à notre prospérité locale, et que vous n’avez rien de mieux à faire, je vous invi-