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JEAN RIVARD

ment qu’il avait appris la candidature de Jean Rivard, il avait tout laissé pour venir à son aide. Il se mit à la poursuite de l’adversaire de Jean Rivard, le traqua de canton en canton, de village en village, répondant à chacun de ses discours, relevant chacun de ses mensonges, dévoilant ses ruses, exposant au grand jour ses tentatives de corruption, se moquant de ses forfanteries, et l’écrasant sous le poids du ridicule. Il faut dire aussi qu’en mettant en parallèle les deux antagonistes, Gustave Charmenil avait beau jeu. Il triompha partout, et vit s’ouvrir avec joie le premier jour de la votation.

Mais un autre désavantage l’attendait là. Jean Rivard n’avait, pour le représenter aux différents polls, que d’honnêtes gens comme lui, qui auraient cru se déshonorer en manquant aux règles de la délicatesse et du savoir-vivre à l’égard des électeurs, tandis que son adversaire avait pour l’aider, un essaim d’avocats, de clercs avocats et d’autres gens habitués aux cabales électorales, rompus à toutes les ruses du métier, qui, suivant le besoin ou les circonstances, intimidaient les électeurs, exigeaient d’eux d’inutiles serments de qualification, ou retardaient autrement la votation favorable à Jean Rivard.

Malgré cela, les différents rapports du premier jour donnèrent une majorité à Jean Rivard. Ce fut un coup de foudre pour les partisans du jeune avocat, qui ne s’attendaient à rien moins qu’à remporter l’élection d’emblée. Les nombreux agents du malheureux candidat en furent stupéfaits, le découragement commençait à s’emparer de leur esprit, et quelques-uns même parlaient de résignation, lorsque l’un d’eux, plus hardi ou plus tenace que les autres, pro-