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ÉCONOMISTE.

— Supposons encore, continua Jean Rivard, que vous, M. Gendreau, vous auriez des enfants pleins de talents naturels, annonçant les meilleures dispositions pour l’étude, lesquels, avec une bonne éducation, pourraient devenir des hommes éminents, des juges, des prêtres, des avocats… n’aimeriez-vous pas à pouvoir les envoyer à l’école ?

Jean Rivard prenait le père Gendreau par son faible ; la seule pensée d’avoir un enfant qui pût un jour être avocat suffisait pour lui troubler le cerveau.

Gendreau-le-Plaideux fit malgré lui un signe de tête affirmatif.

— Eh bien ! dit Jean Rivard, mettez-vous un moment à la place des pères de famille, et ne refusez pas aux autres ce que vous voudriez qu’on vous eût fait à vous même. Qui sait si avec un peu plus d’éducation vous ne seriez pas vous-même devenu avocat ?

Toute l’assemblée se mit à rire. Le père Gendreau était désarmé.

— Pour moi, continua Jean Rivard, chaque fois que je rencontre sur mon chemin un de ces beaux enfants au front élevé, à l’œil vif, présentant tous les signes de l’intelligence, je ne m’informe pas quels sont ses parents, s’ils sont riches ou s’ils sont pauvres, mais je me dis que ce serait pècher contre Dieu et contre la société que de laisser cette jeune intelligence sans culture. N’êtes-vous pas de mon avis, M. Gendreau ?

Il y eut un moment de silence. Jean Rivard attendait une réponse ; mais le père Gendreau voyant que l’assemblée était contre lui, crut plus prudent de se taire. On put donc, après quelques conversations particulières, procéder à l’élection des commissaires.