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JEAN RIVARD

dans le sein de laquelle elle s’est réfugiée, elle commence à se consoler, et elle peut maintenant parler de son cher petit sans verser trop de larmes.

« C’était la première peine de cœur que nous éprouvions depuis notre entrée en mariage ; nous nous en souviendrons longtemps.

« J’ai été, en outre, accablé d’occupations de toutes sortes depuis plusieurs mois, ce qui a aussi un peu contribué au délai que j’ai mis à l’écrire.

« Merci, mon cher Gustave, de tes félicitations sur mon élection à la mairie ; mais je ne sais vraiment si tu ne devrais pas plutôt me plaindre. En acceptant cette charge j’ai pris sur mes épaules un lourd fardeau. J’ai déjà fait du mauvais sang, et je n’ai pas fini d’en faire. Toute mon ambition serait de faire de Rivardville une paroisse modèle ; je voudrais la constituer, s’il était possible, en une petite république, pourvue de toutes les institutions nécessaires à la bonne administration de ses affaires, au développement de ses ressources, aux progrès intellectuels, sociaux et politiques de sa population. Mais pour en venir là, des obstacles de toutes sortes se présentent. Il faut le dire, l’esprit de gouvernement n’existe pas encore dans notre population. Cette entente, cette bonne harmonie, ces petits sacrifices personnels nécessaires au bon gouvernement général, on ne les obtient qu’au moyen d’efforts surhumains. Le sentiment qu’on rencontre le plus souvent quand il s’agit d’innovations utiles, d’améliorations publiques, c’est celui d’une opposition sourde, ou même violente, qui paralyse et décourage. Des gens s’obstinent à marcher dans la route qu’ont suivie leurs pères, sans tenir compte des découvertes dans l’ordre moral, politique