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JEAN RIVARD

Je ne donnerai donc qu’une idée assez générale de la manière dont Jean Rivard conduisit ses opérations et des résultats qu’il en obtint.

Son plan de campagne était tracé depuis longtemps, il n’avait qu’à le suivre avec persévérance.

Il connaissait parfaitement chacun des cent acres de terre qui composaient sa propriété. Il les avait maintes fois parcourus en tous sens ; il en avait même tracé sur le papier, pour son usage particulier, un petit plan indiquant la nature du sol, les ondulations du terrain, les différentes espèces de bois qui le couvraient. ici c’était une colline, là un petit bas-fond qu’il faudrait conserver. C’est ce qu’il appelait complaisamment la carte de son royaume.

Il la regardait chaque jour avec un intérêt toujours croissant.

Après son mariage, cet attachement à sa propriété s’accrût encore davantage et devint une espèce de passion. Il n’eût pas échangé son domaine pour tous les trésors du Pérou.

Le cultivateur canadien ne fait rien sans consulter sa femme ; c’est un des traits caractéristiques des mœurs de nos campagnes ; et Jean Rivard était canadien en cela comme en tout le reste.

À peine les deux époux étaient-ils installés dans leur nouvelle habitation, que Jean Rivard s’empressa d’initier sa Louise à tous ses projets, de la faire confidente de toutes ses entreprises.

« Tu sais, lui dit-il entre autres choses, en lui montrant la carte de son royaume, tu sais qu’en me frayant, il y a deux ans, un chemin dans cette région inculte, j’ai juré qu’avant dix ans ce lot vaudrait au moins deux mille louis. Je tiens à faire honneur à