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influence est nulle, comparée à ce qu'elle est en Canada. Est-il possible qu'en présence de moyens de séduction aussi patents que ceux que possède ici le pouvoir, on ne s'alarme pas un peu, et qu'on ne dise pas que le patronage de la Couronne devrait être restreint? Un ministère comme le nôtre, je le répète, accomplit l'œuvre de Syndeham. Il n'a aucune force pour le bien, mais beaucoup pour le mal; il n'a aucune forme pour le renversement des abus, mais beaucoup pour l'asservissement de ceux qu'il gouverne. Je vois avec effroi des bills de judicature qui tendent à augmenter le patronage de la Couronne, et je sollicite les membres du ministère de me dire quelles sont les dispositions de cette mesure. Si, en introduisant ce bill, on voulait bien nous dire que pas un des membres de cette Chambre ne pourra être fait juge pendant le parlement pour lequel il aura été élu, je dirais: « voilà un ministère libéral, un ministère qui reconnaît que ce qui doit le guider dans la passation d'une mesure n'est pas la considération de l'avantage ou du désavantage qui doit en résulter pour ses amis, mais des avantages qui doivent en résulter pour le pays. »

Le principe que j'invoque ici n'est pas nouveau; il est conforme aux usages suivis aux États-Unis. On y a reconnu qu'un membre de la représentation ne pouvait pas profiter, tant qu'il est membre, des bills qui créent de nouvelles charges. C'est en effet créer des moyens de séduction, et je crois qu'on a droit d'attendre une tout autre mesure de la part de nos ministres; s'ils nous promettaient cela, j'aurais alors un peu plus de confiance dans leurs mesures.

Si nous passons à l'examen de la conduite du ministère depuis sa nomination, nous n'avons pas non plus lieu de nous en applaudir. C'est du moment qu'il est monté au pouvoir que j'ai vu qu'on voulait nous demander cette approbation avilissante et sans condition de l'acte d'Union, et c'est de ce moment que je résolus de ne plus donner ma confiance à des hommes sur de simples promesses, mais de toujours juger les hommes d'après leurs actes.