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devait en justice au peuple de cette province, et on doit lui en savoir gré. L'année dernière, j'ai été blessé, j'ai été profondément affligé dans l'occasion solennelle où le parlement a été convoqué, de voir que le discours du trône n'eut pas été prononcé en langue française. Dans les usages du pays, cette pratique avait toujours eu lieu. Il est vrai que les gouverneurs, n'ayant pas toujours l'éducation qui semble inséparable de la connaissance de la langue du pays le plus civilisé de l'Europe, étaient souvent obligés de faire lire le discours par un de leurs subrogés, mais toujours était-il dans la langue française. Il n'y a que depuis l'Union des deux provinces que cet acte de justice a été interrompu.

La personne chargée ordinairement de lire le discours du gouverneur, quant il ne pouvait pas le faire lui-même, était l'Orateur du Conseil; et comme il arrivait souvent que celui-ci ne connaissait pas lui-même très bien la langue de mes compatriotes, il martyrisait, la plupart du temps, tellement le discours, qu'on ne pouvait à peine le comprendre. C'est ainsi qu'une fois l'Orateur du Conseil faisait dire au gouverneur qu'il désirait armer le plutôt possible la « malice » canadienne. Le mot « malice » canadienne était, comme à dessein, toujours substitué au mot « milice » canadienne. Le discours cette année a été prononcé en français avec dignité et d'une manière propre à faire honneur aux sentiments de celui qui l'a prononcé et à lui mériter la reconnaissance du pays.

Ceci posé, je dis que quant à tout le reste de cette adresse, je n'y vois rien de louable, mais beaucoup à blâmer, beaucoup à reprendre. Je ne sais pas si c'est un piège tendu à cette Assemblée, ou si l'on a bien calculé la portée du discours qu'on a mis dans la bouche de Son Excellence. Toujours le second paragraphe de cette adresse nous entraînerait-il à compromettre le pays plus qu'il ne l'a jamais été, si nous l'acceptions sans explication, sans protestation. Voici ce paragraphe:

« Que cette Chambre a l'assurance que les preuves qu'a données le peuple du Canada pendant cette période d'excitation et de malaise général de son amour de l'ordre et de son attachement