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bert viendrait-il avec moi, du soir au matin, et pendant un mois, dans ces gorges sauvages qui semblent faites pour le lion ; aurait-il le bonheur d’entendre cette voix du maître qui impose le silence et l’effroi à tous les êtres de la création : cet homme éprouverait certainement des émotions qui lui sont inconnues ; mais la présence d’un des semblables à côté de lui ne lui permettrait pas de goûter et peut-être de comprendre ce qu’éprouve le chasseur complètement isolé.

En effet, depuis le moment où les premières étoiles se montrent au ciel jusqu’à la pointe du jour, celui-ci est obligé de se garder constamment, de percevoir et de distinguer chaque bruit, de juger promptement s’il ne prend point des pierres pour des maraudeurs ou des maraudeurs pour des pierres, de sonder du regard l’épaisseur du bois, le sentier sur lequel il marche ; de s’arrêter pour écouter et s’assurer qu’il n’est point suivi ; en un mot, de se rappeler qu’il est constamment en danger de mort, sans espoir de secours ; par conséquent, il se sent toujours ému, et cependant est toujours prêt à combattre avec le calme et le sang-froid qui ne sauvent pas toujours dans une lutte si inégale, mais sans lesquels il sait qu’il est perdu sans ressources.