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La nuit se passe sans événement. Gérard n’est pas plus heureux les nuits suivantes.

Enfin, le 8 juillet 1844, à six heures du soir, au moment où il vient de se placer en embuscade sur la lisière d’un bois, il entend partir un rugissement terrible.

Aussitôt il arme son fusil à deux coups. Un des chiens se brise.

Fatal augure !

Certes, un Romain eût reculé. Gérard ne songe même pas à la retraite.

— Bon ! se dit il ; maintenant il faut que je le tue d’une seule balle !

Deux spahis l’ont accompagné dans l’expédition. Tous les trois marchent résolument au fourré qui dérobe à leurs yeux le farouche seïd-akal (lion noir).

Quelques bœufs paissent non loin dans une clairière.

Flairant une proie, le monstre pousse un nouveau rugissement, sonore, prolongé, que répercutent les échos d’alentour.

« À cette voix puissante, dit Adolphe d’Houdetot, sur la page où il enregistre le solennel et premier exploit du tueur de lions, la nature entière se tait, les animaux rampent et se cachent. Gérard en fut ému. Son cœur battit avec précipitation et souleva sa poitrine. Une étincelle électrique s’élança de la plante de ses pieds à la racine de ses cheveux. Il eut peur.

« Ah ! merci, mon héros, de cette noble imposture, si modestement placée sur les lèvres d’un brave !