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Je ne vous dirai pas ce qu’il nous fallut de temps et de peine pour sortir du taillis et gagner le lit du ravin ; mais je vous assure que ce fut un spectacle imposant que celui de notre retraite.

J’avais toujours vu les Arabes profondément affligés lorsqu’un des leurs était tombé sous une balle, et je ne m’expliquais pas leur indifférence pour Amar-ben-Sigha.

En effet, depuis le moment où le lion était mort, quoiqu’ils me vissent accueillir avec froideur leurs félicitations empressées et n’exprimer aucune joie du succès obtenu, ils ne s’étaient occupés du blessé que pour lui que ces choses-là n’arrivaient qu’aux hommes ; puis ils s’étaient mis à discourir entre eux sur les différentes scènes du drame, parlant tous à la fois, vociférant comme des enragés et recommençant leur histoire chaque fois qu’un homme des douars voisins arrivait au-devant de nous.

L’enthousiasme de ces hommes était si bruyant, que quiconque eût rencontré notre cortège aurait pensé tout d’abord que le brancard servait de couche au lion, tué, si de temps en temps un cri perçant, et qui allait au cœur ne s’en était échappé, dominant la rumeur générale et répondant au chant lugubre du hibou qu’on entendait sous bois.