Page:Gérard - La chasse au lion, 1864.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 237 —

vre, paralysée par la peur, il m’examinait avec beaucoup d’intérêt, tantôt en clignant les yeux, ce qui donnait à sa physionomie un air des plus bénins, tantôt en les ouvrant de toute leur grandeur, ce qui me faisait, malgré moi, presser ma carabine. Il avait l’air de se dire à part lui :

— J’ai vu tout à l’heure, dans cette clairière, un groupe d’hommes et une chèvre ; les hommes sont partis, la chèvre est restée seule ; j’arrive, et je trouve près d’elle un autre homme habillé de rouge et de bleu, comme je n’en ai jamais vu, et qui, au lieu de fuir à mon approche, me regarde comme s’il voulait me parler.

Puis, par moments, et tandis que l’ombre du crépuscule descendait dans la clairière, il avait l’air d’ajouter (toujours à part lui).

— L’heure du dîner s’avance, que mangerais-je bien, la chèvre ou l’homme rouge ? Le mouton d’hier valait mieux que cette chèvre ; mais les moutons sont loin. Les hommes rouges sont peut-être bons en général, mais celui-ci me paraît maigre.

Cette dernière réflexion parut avoir fixé son choix, car il se leva d’un air décidé et fit trois pas en avant, les yeux attachés sur la chèvre.

La carabine à l’épaule et le doigt sur la dé-