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Le temps commençait à me paraître long, quand, de la rive opposée du ruisseau et juste en face de moi, s’échappa un soupir long, guttural, qui avait quelque chose du râle d’un homme à l’agonie.

Je lovai mes yeux dans la direction de ce son étrange, et j’aperçus, braqués sur moi comme deux charbons ardents, les yeux du lion. La fixité de ce regard, qui jetait une clarté blafarde, n’éclairant rien autour de lui, pas même la tête à laquelle il était attaché, fit refluer vers mon cœur tout ce que j’avais de sang dans les veines.

Une minute avant je grelottais de froid, maintenant la sueur ruisselait sur mon front.

Quiconque n’a pas vu un lion adulte à l’état sauvage, mort ou vivant, peut croire à la possibilité d’une lutte corps à corps à l’arme blanche avec cet animal. Celui qui en a vu un sait que l’homme aux prises avec le lion est la souris dans les griffes du chat.

Je vous ai dit que j’avais déjà tué deux lions, le plus petit pesait cinq cents livres. Il avait, d’un coup de griffe, arrêté un cheval au galop, cheval et cavalier étaient restés sur place.

Depuis cette époque, je connaissais suffisamment leurs moyens pour savoir à quoi m’en tenir.