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versation roule sur des sujets de guerre ou de chasse, son visage s’anime, ses yeux lancent des éclairs, et ses narines se dilatent comme pour respirer à longs traits l’odeur de la poudre et du sang ; car, pour lui, la chasse, c’est l’agonie de la victime dont les faucons déchirent les yeux et la tête ; la guerre, c’est l’action de couper le cou de l’ennemi vivant.

Avec ces instincts féroces qui sont le propre de la sauvagerie, Abdallah possède une âme sensible, un cœur aimant.

Son intérieur se compose d’une vieille mère, qu’il aime et qu’il respecte, ce que ne font pas la plupart des Arabes, de trois enfants qu’il adore, et d’une jument née le jour où mourut sa femme, et à laquelle il a donné son nom.

Depuis cette époque, non-seulement il a résisté aux instances de sa mère, qui voulait le remarier, mais encore il porte et m’a assuré qu’il portera jusqu’à sa mort le deuil de sa femme.

Afin de juger de ce qu’a de pénible le deuil des Arabes, accoutumés à des ablutions journalières, il faut savoir qu’il consiste à ne plus laver ni son corps ni ses vêtements.

Quand j’ai connu ce brave homme, sa femme était morte depuis six ans, c’est vous dire que sa personne et ses burnous ne respiraient pas un air de grande propreté ; mais l’intérêt