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des morues à la moutarde, des truites au vinaigre, des brochets au poivre, des ablettes frites, des saumons cuits à l’huile et aux poireaux, des gaufres (oblata), des fruits, trois livres de pain ordinaire et un gâteau monastique (panis claustralis). Le souper était modéré ; il consistait en une panade, une demi-poule, des gâteaux et des fruits. J’allais presque laisser les bons chanoines à sec. Il est temps que je rassure mes lecteurs avec les cinq chopines de vin aromatisé (pigmentum) et le hanap de Schiltberger blanc qui arrosaient le dîner de chacun. Pour leur garantir un bon sommeil, le souper était mouillé de cinq autres chopines de clairet et de deux hanaps de vin vieux[1]. Ici, les gens d’église avaient stipulé entre eux pour quelque notable mangerie. Mais souvent la libéralité des hommes du siècle se prenait de compassion devant les rigueurs du cloître et entreprenait d’en interrompre, pour un jour, le cours austère. C’est ainsi que nous voyons un chevalier de l’évêché de Bâle, Henri de Tavannes, donner en 1297 à l’abbaye de Bellelay toutes ses possessions au village de Tramelan, à la condition que les revenus en seront spécialement employés pour un repas abondant (pro refectione uberiori) à faire au réfectoire de l’abbaye le jour de l’anniversaire de sa mort[2].

Nos voisins de Lorraine vivaient aussi très-bien dans leurs gras monastères. Baudouin, qui gouvernait l’abbaye de Senones, au treizième siècle, faisait une dépense de table très-somptueuse. « Il avait réglé ainsi le service du dîner : on donnait à laver, et pendant cette opération, d’habiles servants dressaient les tables. L’abbé s’assied et indique la place des convives ; puis arrivent les salières, couteaux et cuillères, le pain et le vin, ensuite les viandes ; les causeries particulières amènent le premier service. Les ménétriers, baladins et jongleurs font leur entrée pour rebaudir la compagnie ; ils sont suivis des servants pour renouveler

  1. Basel im vierzehnten Jahrhundert. Basel, 1856. In-8°, p. 16.
  2. Trouillat, Monuments de l’histoire de l’évêché de Bâle, t. II, p. 650.