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girofle et de persil. Voilà les bégaiements d’un art qui devait produire la matelote marinière, la carpe à la Chambord, la sole normande et le potage de poissons à la Lucullus qui contient un dîner tout entier, et un excellent dîner, mis dans une soupière.

M’étant expressément réservé la plus complète liberté dans le sujet que je traite, j’interromps, pour un moment, les détails dont l’ensemble constituera l’encyclopédie de notre cuisine, et je vais mettre sous les yeux de mes lecteurs quelques exemples de synthèse culinaire, en langue vulgaire, la carte ou le menu de quelques repas dont les historiens, les chroniqueurs et les comptables publics nous ont authentiquement conservé la composition et l’ordonnance.

À tout seigneur, tout honneur. Quand les Missi dominici de Charlemagne inspectaient les provinces du puissant empereur, l’Alsace, comme les autres, ils avaient droit à des subsistances. Munis d’une lettre-patente appelée tractatoria, qu’on pourrait qualifier de lettre d’étape, ils requéraient pour eux et pour leur suite les provisions de bouche nécessaires à un entretien honorable. Cette lettre-patente n’était pas à mépriser. Marculfe nous en a conservé le modèle. Elle leur valait, jour par jour, outre les voitures, une forte quantité de pain blanc, de vin, de bière, de lard, de viande de boucherie, de porcs, de cochons de lait, de moutons, d’agneaux, d’oies, de faisans, de poules, d’œufs, d’huile, de miel, de vinaigre, de cannelle, de poivre, d’amandes, de pistaches, de fromages, de sel, de légumes. La prévoyance impériale n’avait pas même oublié les bougies destinées à éclairer les repas[1].

En ce temps-là, la table des chanoines n’aurait pas eu le mérite de fournir l’idéal de la bonne chère. Ceux du chapitre de Strasbourg avaient été placés, par l’évêque Heddon, au commencement du neuvième siècle, sous la règle du saint Chrodegang, évêque de Metz. Ils vivaient en communauté. Chaque chanoine, à l’exception des dignitaires, présidait à son tour à la cuisine, qui ne

  1. Marculfii, Formulæ, lib. I, form. xi, apud Baluzium, Capitul.