Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/92

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cette formule trop simple a été remplacée avec raison, dans les bons endroits, par la recette plus vigoureuse et plus libérale de la cuisine française : « Mettez dans une casserole un morceau de beurre frais, persil en branches, thym, laurier, gros oignon émincé, lames de carottes, poivre, sel et une bouteille de vin blanc[1]. » À la bonne heure ! Voilà qui est parler. Cette recette est excellente et moins ruineuse que celle imposée par le prince de Hesse-Cassel à son cuisinier, un Alsacien, M. Ebert, de Guémar. Ce joyeux membre de la Confédération germanique, pantagruéliste renommé et gros mangeur, exigeait une triple épreuve pour l’écrevisse ; d’abord un bain de lait froid pour la faire dégorger, puis un bain tiède au vin blanc, et enfin une cuisson à grand feu, pendant quelques minutes, dans un madère généreux avec de vives épices. Qu’on dise encore que les princes allemands sont arriérés !

La cuisine alsacienne connaissait aussi depuis longtemps le potage à l’écrevisse ou les bisques d’écrevisses, dont Boileau chantait les louanges dans ces vers :


Qu’est devenu ce teint dont la couleur fleurie
Semblait d’ortolans seuls et de bisques nourrie ?


Les baigneurs de Niederbronn, et même les simples touristes en mangeront de délicieuses chez Mme Krug, au Bærenthal. C’est le général d’artillerie Leclerc qui l’atteste sur une aquarelle exécutée par lui, représentant l’auberge du Bœuf et qui est appendue dans la salle à manger. Cette aquarelle porte la dédicace militaire suivante : À Madame Krug le pompon pour les bisques d’écrevisses !

J’ignore ce qu’il faut penser des écrevisses farcies recommandées par le livre de cuisine que nous devons à l’honorable épouse d’un pasteur protestant de Mulhouse, à Mme Spœrlin. Cette farce qui remplissait toute la carapace évidée du crustacé était composée

  1. Gogué, Secrets de la cuisine française. Paris, 1850, p. 317.