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décora la façade de la maisonnette d’une fresque demeurée célèbre dans le souvenir populaire. Elle représentait la figure matoise du goupil assis dans une chaire à prêcher, autour de laquelle était rangé un cordon de naïfs canards écoutant dévotement la belle homélie du sire. Le pêcheur se fit aubergiste, et sa femme devint une virtuose dans la spécialité des goujons frits. Cette enseigne satirique attira le monde et donna une vogue immense à la friture du Renard-Prêchant[1]. La maison prospéra pendant plusieurs siècles.

On trouvait des institutions semblables dans le voisinage de plusieurs villes de la province. Belfort avait le village de Danjoutin, chez le père Marcon, de génération en génération ; Colmar allait à Illhæusern, et Schlestadt à Rathsamhausen, etc.

Les grenouilles, qui sont une dépendance du poisson, n’ont pas toujours joui de la considération que nous leur accordons maintenant. Personne ne s’avise plus de mépriser les cuisses de grenouilles à la poulette ou frites, et cependant jusqu’au treizième siècle ces batraciens passaient pour des animaux immondes. Les Annales des Dominicains ont pris soin de nous informer au juste de l’année où la cuisine a revendiqué ces bêtes. « En 1280, dit le moine de Colmar, on commença à manger des grenouilles, aliment considéré comme abominable jusqu’à présent[2]. » Leur renom n’a pas subi d’éclipse, du moins chez nous, depuis cette époque. Mais l’Europe compte encore des pays qui ne les admettent point à l’honneur d’être mangées par l’homme.

Nous sommes, à ce que je crois, familiarisés de toute ancienneté avec les écrevisses. La manière usuelle de les servir est le buisson. Voici la formule de l’apprêt adopté, en Alsace, sur la fin du dix-huitième siècle : « Prenez pour 25 écrevisses un petit verre de vinaigre ou de vin, une poignée de sel, une pincée de poivre et un bouquet de persil ; couvrez et laissez cuire un quart d’heure[3]. »

  1. Piton, Strasbourg illustré, II. Faubourgs, p. 3.
  2. Annales et chron. des Domin. de Colmar, édition de 1854, p. 93.
  3. Oberrheinisches Kochbuch. Mulhouse, 1811, p. 87.