Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/89

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’étude, la maison, contre l’air libre du ciel, les grands arbres et la liberté ; ce n’est plus l’homme qui se nourrit, mais l’homme qui est heureux. Nos anciens avaient déjà trouvé cette distraction, ce divertissement des dimanches, pour eux, leurs femmes, leurs enfants et les jeunes fiancés qui frappaient honnêtement à la porte de leur famille. Autour de toutes nos villes importantes se cachaient au bord de l’eau, dans un bouquet vert, derrière d’épaisses charmilles, souvent à l’ombre de quelques tilleuls séculaires, de modestes auberges et des guinguettes fringantes qui donnaient le plaisir, le repos et une heure d’oubli aux joyeuses volées humaines qui avaient déserté les murailles de la cité. Notre siècle est trop fier pour jouir si aisément ; mais le vieux temps était assez sage pour aimer les plaisirs simples et naturels. Pour ne parler que de la capitale de la province, Strasbourg comptait une foule de ces jardins de plaisance bourgeois : le Wasserzoll, à l’embouchure du Murgiessen dans l’Ill ; le Chasseur-Froid (Kalte Jæger), au fond de la Robertsau, où l’on se rendait en bateau, en s’embarquant derrière l’église de Saint-Étienne, les autres guinguettes de la Robertsau ; le Petit-Moulin, à la porte des Pêcheurs ; la Tour-Verte, la Montagne-Verte[1], la Chartreuse, qui a mérité cet hommage poétique :


Ein naher Tisch belebt von allen Arten Fischen,
Kann immer den Begriff zu neuer Lust erfrischen[2] ;


(Une table enrichie et animée par toutes sortes de poissons réveille sans cesse le désir de nouvelles jouissances.)


{{g|l’Arbre-Vert au Contades, célèbre par son tilleul à gloriette[3],

  1. Nun kommt der grüne Berg, wo selbsten auch nichts fehlt,
    Von dem was das Gemüth ermuntert und erfreut.
    Deshalb wird er auch vielfältiglich erwählt,
    Er hat den schönsten Stoff zur grössten Fröhlichkeit.


    (Puis vient la Montagne-Verte, où il ne manque de rien ; elle ranime la bonne humeur et réjouit le tempérament. Aussi ce lieu est-il l’objet de nombreuses visites, car il possède toutes les ressources du plaisir.)

    Rautenstrauch, Strasb. nach seiner Verfassung. Colmar, 1770. In-8°, p. 64.

  2. Idem, p. 63.
  3. Hautemer, Description de la ville de Strasbourg. Strasb., 1785, p. 147.