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veux point traiter ici la matière de la pêche, qui exige, comme celle de la chasse, un travail spécial et distinct. Mais je puis faire remarquer avec quel soin, avec quelle vigilance, les anciens administraient cette branche importante de la production alimentaire, et avec quelle jalousie les bénéficiaires de certains droits maintenaient et défendaient leurs prérogatives. La célèbre charte de 982, par laquelle l’empereur Othon conféra à l’évêque de Strasbourg, Erckenbald, la comitive de cette ville, mentionne, à ses articles 116 et 117, les droits suivants : « Les pêcheurs doivent pêcher tous les ans avec tous leurs engins, dans un temps où l’eau sera propice à la pêche, pour l’usage de l’évêque, et ce pendant trois jours et trois nuits entre la Nativité de la Vierge et la fête de saint Michel. Les endroits où ils pêcheront sont : sur le Rhin, entre Felderen en aval et Ruest en amont, sur l’Ill jusqu’à Ebersheim, sur la Brusche jusqu’à Molsheim, sur la Schutter jusqu’à Merbourg, et sur la Kintzig jusqu’à Kindersdorff, le tout aux frais de l’évêque. Personne n’entreprendra de les troubler dans ladite pêche ou de les exclure des eaux renfermées dans les espaces désignés, si ce n’est de celles qui sont arrêtées par des écluses. — Personne ne pourra, sans la permission de l’évêque, ou de son grand panetier, pêcher dans la Brusche, depuis le fossé supérieur de la ville jusqu’au fossé inférieur près de l’abbaye de Saint-Étienne[1]. » L’évêque de Strasbourg a joui de ce dernier droit, en vertu du statut de 982, jusqu’à la Révolution. C’était une espèce de fief qu’il conférait à des particuliers. De 1746 à 1789 il se trouva entre les mains de la famille Dürr, l’une des plus anciennes dynasties de pêcheurs de Strasbourg. En 1686, il s’éleva des contestations entre la ville et l’évêque au sujet de ce droit de pêche ; mais un arrêt du conseil souverain d’Alsace, de 1713, le maintint à l’évêque[2]. L’on voit aussi, par les chartes des donations faites, aux maisons

  1. Kœnigshoven-Schilter, p. 728.
  2. Grandidier, Hist. des évêques de Strasbourg, II, p. 93.